La pénurie de main-d’œuvre est une réalité bien ancrée au Québec. Bien que le taux de chômage ait augmenté en 2023 et en 2024, après avoir connu un creux historique en 2022, le manque de ressources constitue toujours un enjeu dans plusieurs régions et secteurs d’activité.
Afin de pallier la situation, de nombreuses organisations ont recours aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires. Différents types de permis de travail existent; il est primordial pour les entreprises de bien comprendre les particularités associées à ces permis, les obligations qui en découlent ainsi que les options à leurs dispositions pour effectuer les choix appropriés.
Deux ans après l’entrée en vigueur du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés1, plus particulièrement de l’article 209.3 visant à mieux encadrer les droits des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, nous vous proposons un tour d’horizon de la situation actuelle ainsi que des indications pour s’y conformer.
Programmes existants
Sauf exception, les travailleuses et travailleurs étrangers ont besoin d’un permis de travail pour devenir salariés au Canada.
Programmes gouvernementaux
Trois principaux programmes gouvernementaux permettent à des personnes résidentes d’autres pays de venir travailler au Canada :
- Expérience internationale Canada (EIC)2;
- Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET)3;
- Programme de mobilité internationale (PMI)4.
Quels sont ces programmes et en quoi consistent-ils?
- L’EIC s’adresse aux jeunes travailleuses et travailleurs âgés de 18 à 35 ans qui sont citoyennes ou citoyens d’un pays partenaire du Canada, possédant un permis d’une durée maximale de deux ans. Le volet « vacances-travail » est un permis ouvert, alors que les volets « jeunes professionnels » et « stage coop international » sont des permis fermés, c’est-à-dire qu’ils sont liés à un employeur spécifique. La travailleuse ou le travailleur doit veiller à détenir une assurance médicale suffisante.
- Le PTET permet quant à lui aux employeurs canadiens d’embaucher des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires. Bien qu’il existe des codes de dispense, la plupart des employeurs devront soumettre une Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) afin de démontrer que ces ressources comblent un besoin qui ne peut être actuellement répondu par une ou un travailleur canadien ou une ou un résident permanent. Ces permis sont généralement fermés et d’une durée d’un à trois ans, renouvelables. La ou le travailleur doit déposer une demande de couverture à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et l’employeur doit vérifier que cette démarche a bien été effectuée.
- Le PMI permet à un employeur d’embaucher une ou un travailleur étranger temporaire lorsqu’une EIMT n’a pas à être complétée. La ou le travailleur doit présenter une demande de permis de travail.
Évaluation de l’impact sur le marché du travail
Au courant des cinq dernières années, le nombre de postes approuvés dans le cadre des EIMT a doublé au Québec, dépassant maintenant la barre des 60 000 postes annuellement. À cet effet, il est intéressant de constater que bien que le nombre de postes approuvés soit relativement similaire entre le volet de l’agriculture primaire et le volet des bas salaires, le nombre de demandes soumises pour ce dernier volet est pratiquement le double.
De même, en 2023, il y a davantage d’EIMT approuvés sous le volet haut salaire que pour l’agriculture primaire. En bref, le programme bénéficie aux entreprises québécoises, et ce, de façon beaucoup plus large que seulement le volet agricole.
Mesures de resserrement
Compte tenu de l’augmentation de la popularité du programme, et de l’évolution du marché de l’emploi, certaines restrictions sont récemment entrées en vigueur. Ces mesures de resserrement visent notamment, en date du 3 septembre 2024, la suspension temporaire du traitement des demandes pour le volet des postes à bas salaires dans la région de Montréal; le taux de chômage ayant augmenté pour cette catégorie de travailleuses et travailleurs en 2024.
De nouvelles dispositions restrictives se sont ajoutées au 26 septembre, touchant la durée des permis et le plafond en lien avec le nombre de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires en entreprise. Puis plus récemment, en date du 8 novembre, le salaire horaire initial utilisé pour les travailleuses et travailleurs du volet des postes à haut salaire a été relevé de 20 % par rapport au niveau actuel, et des règles plus strictes concernant l’aide au logement et au transport ont été instaurés pour le volet des postes à bas salaire.
La situation est actuellement hautement médiatisée, ce qui génère plus d’attention sur les employeurs bénéficiant de cette main-d’œuvre étrangère.
Obligations en matière d’avantages sociaux
Dans tous les cas, les participantes et les participants sont protégés par le droit du travail canadien, et l’employeur doit s’assurer que le lieu de travail est sécuritaire. L’employeur doit aussi payer un salaire équivalent au salaire minimum ou supérieur à celui-ci, sauf pour le volet « stage coop » qui peut être un stage non rémunéré. Pour les employé·es engagés dans le cadre du PTET, l’employeur a également des obligations au niveau de la couverture d’assurance médicale. Cette obligation ne s’applique cependant pas pour les travailleuses et travailleurs engagés dans le cadre de l’EIC ou du PMI.
Programme des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires
Bien qu’il ait été mis en place il y a plus de 50 ans, le PTET a connu une popularité croissante auprès des employeurs dans les dernières années. Si bien que le gouvernement fédéral a instauré, dans l’article 209.3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, de nouvelles obligations pour les employeurs qui engagent de la main-d’œuvre impatriée.
Couverture d’assurance maladie
Entrée en vigueur au 26 septembre 2022, ces règles incluent un volet touchant la couverture d’assurance. Ainsi, ce règlement stipule que l’employeur est responsable de souscrire une assurance médicale privée couvrant les soins médicaux urgents, et ce, effective dès l’arrivée au Canada de la ou du travailleur. Elle ou il doit également défrayer les coûts de celle-ci tant que la couverture d’assurance maladie du régime public n’est pas en vigueur. Cette obligation ne s’applique pas pour les travailleuses ou travailleurs agricoles saisonniers du Mexique et des Caraïbes en raison d’ententes particulières existant entre les pays.
Précision du Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration
Plus récemment, le Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) du Québec a ajouté une précision concernant les obligations des employeurs pour le volet des postes à bas salaire. Le MIFI vient préciser que l’employeur doit, pour ces travailleuses et travailleurs, fournir une couverture d’assurance maladie équivalente à celle du régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), ce qui constitue une protection plus étendue que les soins médicaux urgents seulement.
Conséquences en cas de non-respect
En cas de non-respect de leurs obligations, les employeurs sont sujets à des sanctions incluant des interdictions d’embaucher des travailleuses et travailleurs du PMI et du PTET de façon temporaire ou permanente, des amendes pécuniaires ainsi que la révocation des permis actifs.
L’organisation s’expose également à un risque réputationnel, car les sanctions prévoient l’inscription de l’employeur au Registre des employeurs non conformes5, registre public facilement accessible en ligne.
Options de couverture
Afin de respecter les obligations en lien avec la couverture d’assurance médicale, les employeurs disposent de différentes alternatives :
- Couverture additionnelle dans leur régime d’assurance collective : la plupart des assureurs offrent une couverture additionnelle pour les soins médicaux urgents au Canada, moyennant une prime supplémentaire, et cette couverture vient compléter le régime d’assurance collective de l’employeur. Lorsque les clauses d’admissibilité du contrat permettent la couverture des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires, cette option est probablement la plus simple quant à la gestion opérationnelle. L’employeur doit toutefois s’assurer que la couverture peut bien entrer en vigueur dès l’arrivée de la ou du travailleur au Canada, ce qui est une exigence réglementaire. Certains assureurs ne permettent pas une telle couverture.
- Police d’assurance individuelle : de nombreux assureurs offrent des couvertures d’assurance médicale pour urgence au Canada. Les prix des polices individuelles peuvent toutefois être supérieurs et inclure des restrictions additionnelles.
- Offre de polices regroupées avec un intermédiaire de marché: cette option permet à l’employeur de bénéficier d’un meilleur pouvoir d’achat que la souscription de polices individuelles, contribuant ainsi à réduire les coûts pour une protection améliorée.
Caractéristiques d’un contrat
Lors de la souscription d’un contrat de ce type, il est primordial de valider les éléments de couverture, en plus des coûts. Plusieurs caractéristiques sont susceptibles de varier d’un contrat à l’autre. Il est recommandé de valider divers aspects, notamment :
- Le montant maximal d’indemnisation;
- Les clauses des conditions préexistantes;
- Les inclusions et exclusions, notamment pour les frais d’obstétriques qui constituent une exclusion fréquente;
- La durée des séjours couverts hors Canada.
Admissibilité à l’assurance collective?
Indépendamment de la couverture requise pour les soins médicaux urgents à l’arrivée au Canada, les travailleuses et travailleurs temporaires pourraient être admissibles au contrat d’assurance collective de l’entreprise. Il est fortement recommandé de valider avec votre conseillère ou conseiller en assurance collective l’admissibilité aux couvertures ainsi que la marche à suivre pour l’adhésion afin d’assurer une conformité optimale.
Et l’épargne-retraite collective dans tout ça?
Concernant les programmes d’épargne-retraite, il n’y a pas d’exigence légale spécifique en lien avec les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires ou avec les nouveaux arrivants. Cependant, pour les employeurs offrant de tels programmes, ceux-ci doivent être vigilants à divers égards, entre autres, relativement à l’admissibilité de ces travailleuses et travailleurs en fonction des règles en vigueur dans leurs programmes (éligibilité, délai d’admissibilité, etc.).
De plus, les employeurs doivent être conscients des enjeux et des contraintes fiscales touchant cette main-d’œuvre étrangère, par exemple que la marge REER disponible pour contribuer à un REER se crée dans l’année suivant la première déclaration d’impôt.
L’expérience nous démontre qu’il peut également être complexe pour les travailleuses et travailleurs étrangers de s’y retrouver dans le système financier canadien, et ce, même concernant les concepts de base : le système bancaire, la carte de débit ou de crédit, le logement, les impôts, etc.
Les concepts et la terminologie utilisée au Canada peuvent être très différents de ceux de leur pays d’origine. Un employeur désirant offrir du support additionnel à ces travailleuses et travailleurs étrangers en lien avec les finances personnelles peut assurément trouver des solutions avec sa ou son conseiller en épargne-retraite collective, lorsque celui-ci offre un programme d’éducation financière.
Pour plus d’information
Vous avez des questions? Nos consultants et consultantes se feront un plaisir de discuter avec vous, n’hésitez pas à nous contacter.
1. https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/reglements/DORS-2002-227/section-209.3.html
2. https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/travailler-canada/eic/au-sujet.html
3. https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/services/travailleurs-etrangers.html
4. https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/travailler-canada/embaucher-etranger-temporaires/programme-mobilite-internationale.html
5. https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/travailler-canada/employeurs-non-conformes.html
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